Pauline Desombre est directrice artistique, designer graphique et artiste indépendante basée à Montpellier. Diplômée en 2020 d'un Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique (DNSEP) aux Arts décoratifs de Strasbourg en design graphique, son activité s'oriente essentiellement autour du design éditorial, print, direction artistique et de l'illustration.
Sa pratique d'artiste-illustratrice se développe autour du médium de la peinture et de l'imprimé textile. Elle se nourrit de la nature qui l'entoure, portée par une fascination des paysages du Grand Nord américain et de la notion d'évasion qu'ils évoquent. La Nature est au centre de son travail. Celle-ci se traduit, entre autres, par la multiplication symbolique du motif floral et par l'exclusion de toute forme de représentation humaine.
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/ Les âmes sauvages, de Nastassja Martin - éditions la découverte
J'ai toujours été fascinée par les cultures autochtones, spécifiquement celles d'Amérique du Nord. Quelque chose en moi ne peut pas comprendre pourquoi cette violence, cette destruction qu'elles ont subies dûes à la colonisation. La façon dont on a essayé de les réduire, de les enfermer, de les effacer. Nastassja Martin a vécu pendant 2 ans au nord-est de l'Alaska, avec les Gwich'in, une société de chasseurs-cueilleurs. La lire, c'était comme essayer de comprendre avec elle comment ces peuples vivent, subsistent, et subissent toujours aujourd'hui les conséquences du colonialisme. On passe de l'émerveillement des aurores boréales à la rudesse du froid ou encore à la tragédie de l'alcoolisme. On voyage immobile à travers ces parcours de vie sinueux qui subissent de plein fouet les mutations écologiques et sociales. Nastassja Martin rend compte de son expérience avec humilité, à travers une écriture subtile et qui nous transporte comme si on était bercé par leurs voix.
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/ American Signs: forms and meaning on Route 66, de Lisa Mahar-Keplinger - the Monacelli Press
La bible qui m'a suivie tout le long de l'écriture de mon mémoire, à la fin de mon cursus aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Cette recherche formelle, sociale et sémantique est impressionnante car colossale. Lisa Mahar-Keplinger a passé des années à étudier le langage des signalétiques de bord de route sur la mythique Route 66. Elle tente de démontrer comment ceux-ci sont des symboles directs de l'époque dans laquelle on se trouve. Comment, en fonction des matériaux choisis, de la typographie, des formes, on peut dater un panneau. J'ai étudié ce livre car il était le seul (en tout cas à ma connaissance et malgré des recherches approfondies) à démontrer comment le racisme et la ségrégation omniprésents pendant les années 60/70 étaient visibles à travers le langage graphique des panneaux de bord de route.
Pour ne donner qu'un exemple, la figure du "nègre de maison" était souvent présentée pour annoncer un restaurant par exemple (qui bien sûr n'était pas accesible aux afro-américains). Mon mémoire s'intitulait "On the road against, approche géo-graphiste de la ségrégation sur les routes américaines" et tentait de démonter le mythe de la route états-unienne en axant la recherche autour des 60/70's et comment la route portait-elle aussi les stigmates de la ségrégation. En partant du constat que les recherches autour de la ségrégation se contentaient du contexte citadin, mais en dehors, sur les routes, elle subsistait (cf. "Sundwon Town", qui référence toutes les villes qui étaient interdites aux afro-américains à la tombée de la nuit, les Green Book qui étaient les livres de voyages qui leurs indiquaient ou est ce qu'ils avaient le droit de se restaurer, de prendre du carburant, de dormir sur la route…).
/ Reclaim: recueil de textes écoféministe, d'Émilie Hache - éditions Cambourakis
Qu'est ce que l'écoféminisme ? Comment se définit-il lui-même ? Pour le résumer très synthétiquement, il s'agit de l'idée que la déstruction et la domination de l'homme sur la femme est corrélée à celle de l'environnement. L'homme (petit h) a historiquement toujours colonisé, détruit, amoindri, rendu à l'esclavage, violé, torturé, tué, dans un désir d'impérialisme et de conquête de territoir. Les hommes font la guerre, les femmes soignent. Le care.
On retrouve des similitudes dans le vocabulaire de domination envers les femmes et envers la nature. Mais c'est un livre d'espoir, de résilience, qui invite à s'interroger sur ces rapports de domination et comment nous pouvons les modifier, intrinsèquement. Il invite à déconstruire pour mieux reconstruire, tous et toutes ensemble. Le rythme des textes présentés permet de jongler entre témoignages, enquêtes empiriques, poèmes, essais sociologiques, et donne une grille de lecture assez hétéroclite et complète, pour s'introduire à ces questions. De fait, c'est un livre qui peut se relire ou se raconter par passage. Sa lecture a été bouleversante, car criante de vérité, et reste une inspiration ancrée dans mon travail.
et en plus :
/ Les femmes aussi sont du voyage. L'émancipation par le départ, de Lucie Azema - éditions Flammarion
/ The Curious Mr. Pettena - Rambling aroung USA - 1971-73, de Gianni Pettena - éditions Humboldt
/ La ligne de la couleur de W. E. B. Du Bois, de Whitney Battle-Baptiste - éditions B42
/ Croire aux fauves, de Nastassja Martin - éditions Verticales